"Un peu mythoooo, un peu mééégalooo" - Superbus

(J'adore cette chanson, qui liste tout un tas de défauts que l'interprète assume, fière ou non de ceux-ci. D'ailleurs le titre de la chanson, ce n'est pas le titre de ma chronique, mais du coup l'extrait résumait mieux le sujet que l'on m'a soumis. Bref.)

Vous avez déjà rencontré quelqu'un à qui il arrive toujours des histoires formidables, abracadabrantes ou au contraire dramatiques. Une fille qui a refusé de rentrer à l'X et à l'ENA pour des raisons politiques parce qu'elle a été kidnappée par la DGSE pour qu'elle laisse sa place au fils d'un émir qui trempe dans des histoires louches de blanchiment d'argent et de trafic de  drogue, pour réussir à faire pression sur lui (l'émir, pas son fils), et que du coup elle a vécu une grande histoire d'amour avec le capitaine qui gérait l'opération qui lui a donc tout raconté sur l'oreiller, avant qu'elle ne le quitte pour sortir avec le Prince William qui était déjà avec Kate !

Cela dit, il existe vraiment des gens qui ont une vie rocambolesque, mais ceux-là en général osent à peine vous la raconter, justement parce qu'ils ont peur de ne pas être pris au sérieux.

Attention, je ne vais pas uniquement parler de la mythomanie au sens clinique du terme, qui désigne un menteur compulsif, mais aussi de son sens plus généralisé, qui désignera alors n’importe quel mensonge dans la durée. Pas un simple « non je peux pas, j’ai piscine » pour éviter le dîner chez belle-maman, mais bien un mensonge construit et raisonné qui vous induira en erreur.

Donc, revenons à nos mytho-mégalo. Ceux-là, à la limite, vous pouvez les localiser assez vite dans votre paysage amical, parce que bon, vous n'êtes pas sot(te) et votre discernement légendaire vous faire voir toutes les petites incohérences dans le discours.

Mais il y a les autres, ceux qu'il est bien plus difficile de repérer, parce que leurs mensonges sont crédibles. Celui qui vous explique qu'il est célibataire alors qu’il vit une double vie depuis 5 ans. Celle qui annonce qu’elle est mutée à l’autre bout de la France alors que vous la voyez encore de loin chaque matin. Celui qui vous dit qu’il est assureur alors qu’il est coursier. Celle qui vous dit qu’elle ne veut pas d’enfant et qui tombera malencontreusement enceinte suite à l’arrêt non révélé de sa pilule il y a trois mois. Celui qui contracte des crédits à la consommation en imitant votre signature, sans votre accord, évidemment.

Dans le meilleur des cas, vous vous en rendez compte avant que vous n’y perdiez des plumes. Votre égo est mis à rude épreuve, parce que vous ne vous pensiez pas si crédule, mais vous pouvez panser vos plaies grâce au temps et à ceux qui vous entourent. Vous ne devez pas être la seule personne à être tombée dans le panneau. Mais quand vous devez payer les pots cassés, le sentiment de trahison s’enrichit d’une colère froide et d’un sentiment d’injustice profond.

Ce que le mytho vous a volé, en réalité, ce n’est ni votre argent, ni votre temps, ni votre amour-propre. Ce qui vous met en colère, c’est que vous avez perdu, en fréquentant cette personne, votre libre-arbitre. Votre droit à choisir de vous engager ou non dans une relation, amicale, amoureuse ou professionnelle, avec la vraie donne en main, en ne vous basant pas sur une analyse biaisée ou fausse de la situation. Mais ce qui est chouette, c’est que le libre-arbitre, on ne le perd jamais longtemps (sauf en cas de déménagement dans une secte, mais c’est un autre sujet…quoique comme tout est basé sur des mensonges, finalement ce n’est peut-être que mon exemple poussé à l’extrême. Pardon, je m’égare).

Alors, oui, vous l’avez perdu momentanément, ou plutôt « On » vous l’a pris de force en vous manipulant pour vous amener là où « On » souhaitait vous amener. Mais maintenant que vous savez la vérité, maintenant que vous avez ouvert les yeux sur la réalité de cette personne, vous pouvez choisir librement. De rester comme de partir. C’est à vous de faire ce choix.

Il y a parfois de bonnes raisons à un mensonge aussi long, bien que « bonnes » ne soit pas le terme exact. Souvent non, mais on ne peut pas exclure que cette personne l’ait fait pour une raison que vous entendez comme valable. A vous de savoir déjà si vous avez envie d’entendre ces raisons (si tant est qu’il y en est hein, parce qu’ils sont nombreux à mentir pour le plaisir uniquement), et ensuite si elles vous sont acceptables à accueillir dans la catégorie « pardon : validé ».

Pour tous ces autres qui vous mentent ou vous ont menti, et pour qui vous ne ressentez que mépris et colère, utilisez votre libre-arbitre pour vous mettre à l’abri, vous extraire de cette situation pourrie, mais également pour pardonner. Pardonner à l’Autre, même si cela vous coûte parce qu’il ne ressent pas l’ombre d’un remord, mais surtout vous pardonner à vous-même de vous être fait avoir, ce qui est parfois le plus dur.

Mais croyez-moi, vous méritez largement la sérénité que vous y gagnerez.