Tais-toi !

18 Février 2013 , Rédigé par Miss Miroir Publié dans #Miroir de poche

Hier j'ai "échangé des mots" avec une teneuse de page FB avec laquelle je n'étais pas du tout d'accord. Jusque là, rien d'anormal, cela arrive régulièrement que je ne sois pas d'accord avec quelqu'un sur un point, mais d'habitude nous arrivons au moins à échanger des arguments, à entendre l'Autre, et si nous ne changeons pas d'avis, au moins il y a eu un vrai débat.

Le but d'une discussion n'est pas forcément de faire adhérer l'Autre à votre propre point de vue (bon si, un peu quand même, mais bon, c'est parce que vous avez raison, ce n'est pas pareil) mais de faire entendre vos arguments. Ce qui n'est absolument pas la même chose. Prenons un exemple. Vous expliquez à une amie les bienfaits des escarpins sur une silhouette. Elle vous rétorque que cela bousille les genoux, le dos et les chevilles, et qu'en plus comme beaucoup ne savent pas marcher avec plus de 5cm, elles ont l'air tellement con que finalement la silhouette élancée perd en élégance.

Dans un débat composé de gens intelligents (attention je fais rentrer un jugement de valeur et j'assume), chacune irait de sa petite argumentation et vous finiriez par dire "oui, tu n'as pas tort, mais je vais continuer de rester perchée à 8cm, je ne sais pas faire à moins et pour moi c'est nettement plus important la joliesse que le confort". Dans cette réponse, les arguments de l'Autre sont entendus et compris, mais ne vous font pas changer d'avis pour autant.

Mais dans un cas comme hier, (attention, syllogisme induisant donc que nous n'avions pas affaire à quelqu'un d'intelligent en face) aucune écoute, arguments en carton et tentative de faire jouer la corde sensible comme argument pseudo professionnel. Pour reprendre mon exemple précédent, vous êtes toujours avec votre théorie de la joliesse des escarpins de 8cm et leur bénéfice en terme d'allure mais en face, les arguments deviennent les suivants "mais pas du tout, le cuir c'est mal, ca tue les vaches, et en plus ma soeur a porté des escarpins en 95 et elle avait l'air d'un éléphant drogué et ca l'a collé en dépression et puis j'ai lu les études que Scholl a fait à ce sujet et toi ca se voit tu n’y connais rien et donc les escarpins c'est le Mal". Hmmm...et si encore on s'arrêtait la, ça irait presque.

Parce que non contente de n'avoir amené aucun argument pertinent (je peux apporter des témoignages contraires à celui de sa sœur, les chaussures en plastiques non seulement ca pollue mais en plus c’est une faute de goût impardonnable et je peux également sortir de mon talon une étude payée par Jimmy Choo qui dira le contraire) alors qu'il y en avait, elle se décrédibilise en passant aux attaques personnelles. Et pour clore le débat, elle censure vos propos. Purement et simplement. Aux poubelles mon master 2 Louboutin, mon adolescence Manolo et mes actions chez Cosmo (les chaussures, pas le magazine. Quoique si en fait ça marche aussi).

Pourquoi s’épuiser à argumenter quand on peut directement censurer les adversaires ? Adversaires ou ennemis même, n’ayons pas peur de pousser l’idée très loin, tant la réaction de censure me paraît violente qu'elle ne peut qu'avoir été conçue dans une crise de paranoïa aiguë. Après une petite enquête, vous trouvez plein choses sur le net, vous découvrez que cette pauvre petite chose qui n'hésite pas à se faire passer pour la victime de vos vilains propos (rappelez vous, à aucun moment elle n'a essayé de comprendre ce que vous disiez, ni même fait attention aux mots que vous utilisiez) est en réalité une nombriliste égocentrique (je sais que c’est un pléonasme mais du coup vous imaginez à quel point elle est autocentrée).

Et là tout s'éclaire. Elle vous a censurée parce que vous n'allez pas dans son sens à elle. Quel que soit le sens. Elle a raison, elle a réponse à tout, et manifestement vous n'êtes pas prête à ériger un autel à sa gloire, donc vous ne passez pas par la case Prison, on vous sort directement du jeu. Je fais un peu ma marseillaise mais j'exagère à peine.

Après tout elle a raison, pourquoi se retourner le cerveau avec des points de vue divergents et des arguments de plus en plus techniques quand il suffit de supprimer la question qui dérange ? Ou plutôt la réponse...

Cela fait légèrement dictatorial mais qu'à cela ne tienne, je vais désormais faire comme elle. Voire mieux, je vais m'autocensurer à la source.

Je voudrais dire à .... Que je l..... Et que ça serait.... Si.... Parce que .... Quand même !

C'est un peu chiant la vie avec des trous...mais effectivement vous pouvez y mettre ce que vous voulez. (j'en connais qui auront une deuxième lecture de cette phrase, arrêtez immédiatement et reprenez vos esprits !)

Mais est-ce vraiment ce que vous cherchez ? Des monologues réalisés devant un troupeau de moutons acquiesçant vos propos ? Comment évoluer sans point de vue divergent pour vous permettre de prendre de la hauteur et améliorer votre propre système de réflexion ? Comment être d'accord en permanence avec tout le monde ? Ou alors vous ne dites plus jamais rien ?

J’aime les débats sans fin avec des joutes verbales argumentées, cela m’enrichit, me donne une énergie sans pareille pour aller puiser dans mes dernières ressources l’argument-choc qui fera vaciller l’Autre, et si c’est moi qui vacille, j’admets sans problème la suprématie de l’argumentaire adverse, parce que je ne peux pas toujours avoir raison (95% du temps, c’est déjà bien je trouve).

Laisser un droit de réponse à l’Autre, c’est aussi lui montrer que vous n’avez pas peur de ses arguments, que votre position est solide, et que tout au mieux c’est lui qui changera d’avis. Censurer les propos de l’Autre, c’est avouer votre faiblesse à répondre, mais également montrer que la pertinence de ses propos pourraient faire pencher la balance de son coté.

Finalement, hier on m’a censuré, cela voulait donc juste dire que je n’avais pas tort !

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