Le ciel se remplit un peu plus...

Lorsque vous lisez les faits divers, la tristesse et l'horreur des histoires vous paraissent fortes, puis vous refermez votre application, vous éteignez la télé et votre vie reprend son cours, à peine affectée par ce que vous avez vu précédemment. L'espace entre les événements et vous est assez grand pour vous permettre de les voir de loin, comme les rives de l'Angleterre un jour de beau temps à Calais.

Parfois, vous ne pouvez pas refermer la parenthèse aussi vite, parce que le lien entre les événements et vous se resserre. Des attentats dans la ville où votre mari séjourne, des tremblements de terre là où votre sœur habite, des tueries là où votre amie réside, ces nouvelles vous touchent un peu plus encore, parce qu'elles concernent des gens qui vous sont chers, mais comme cela se passe loin, vous pouvez encore passer à autre chose au bout de quelques minutes ou quelques heures, faire l'autruche sur les autres une fois que vous êtes rassurée sur votre amoureux ou votre famille.

Puis arrive ce moment terrible où la tristesse et l'horreur des événements vous touche de près. Où cela se passe à quelques dizaines de mètres de chez vous, où le parent qui laisse des orphelins est votre voisin, où la jeune femme fauchée en pleine fleur de l'âge est votre amie.

Vous le savez, je vis dans une communauté particulière composée d'hommes trop souvent absents et de femmes trop souvent à la maison. Et bien que je sois la première à râler sur cette communauté, je suis aussi très heureuse d'y être installée, par ce que la solidarité et l'entraide sont aussi très présents et viennent largement compensés les saloperies et autres trahisons.

Une des nôtres est partie bien trop tôt, et cela a affecté toute la communauté. C'est donc naturellement que ce sont mises en place des collectes, des marques de soutien et des témoignages de sympathie. Cet élan du cœur est honorable et touchant, néanmoins je pense qu’il faut aussi savoir respecter le deuil de cette famille. Je risque de me faire huer, mais tant pis. Pour le moment, ils vivent leur chagrin, leur douleur et se recentrent sur eux-mêmes pour resserrer les liens au milieu desquels un grand vide s’est créé. Ils ne souhaitent pas forcément de grandes démonstrations dans l’instant, parce que votre propre douleur leur parait bien mince en comparaison de la leur.

Mais demain, la semaine prochaine, dans un mois ? C’est à ce moment là qu’il faudra répondre présent. Parce que ce n’est qu’une fois le tourbillon ralenti, lorsque chacun est reparti chez soi avec sa tristesse en bandoulière, lorsque chaque jour qui passe les éloigne un peu plus du dernier jour qu’ils ont partagé avec celle qu’ils aiment, c’est à ce moment précis que toutes vos marques de réconfort et d’attention seront le plus nécessaire. Je ne dis pas de ne rien faire tout de suite. Je dis qu’il vaut mieux que tout le monde ne fasse pas tout en même temps, pour leur assurer un soutien sans faille des semaines et des mois durant. Il ne suffit pas de répondre présent dans l’instant, c’est trop facile (voire opportuniste pour certains, leur petit moment de gloire en dépit de l'inexistence éventuelle de liens avec cette personne avant le drame), il faut être présent dans la durée et dans la continuité, c’est ainsi que vous les soutiendrez le mieux.

Toutes mes pensées vont vers ce nouveau nuage, sa famille et ses proches...